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Channel: TÜSIAD – Observatoire de la vie politique turque
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Incertitudes autour de la question kurde

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Alors que la Turquie célèbre aujourd’hui le 87e anniversaire de la fondation de la République, tout le monde s’interroge sur le devenir de la trêve unilatéralement décrétée par le PKK, avant le référendum du 12 septembre dernier qui, prolongée depuis, arrivera à échéance à la fin du mois. En dépit de cette trêve, des incidents meurtriers ont lieu régulièrement dans le sud-est du pays, et le procès des 150 responsables kurdes du KCK, accusés de complicité avec le PKK, qui a commencé il y a une dizaine de jours à Diyarbakır, se poursuit, entretenant par la force des choses une ambiance lourde.

Dès lors beaucoup d’experts ne sont pas très optimistes quant aux chances de reconduite du cessez-le-feu. Au début de la semaine, l’avocate et ex-députée du DTP, Aysel Tuğluk, a rendu visite au leader du PKK, Abdullah Öcalan, dans sa prison, sur l’île d’İmralı (photo), pour le convaincre de prolonger la trêve. Mais ce dernier se serait dit déçu par l’attitude du gouvernement. Lors de la précédente prolongation de cette trêve, il avait d’ailleurs annoncé qu’en l’absence de geste significatif de la part du pouvoir, il se placerait en retrait du processus qui a vu le gouvernement et le PKK entretenir de fait, ces derniers mois, des contacts indirects permanents. Des montagnes de Qandil en Irak, le numéro 2 de l’organisation rebelle, Murat Karayılan, a fait savoir que le cessez-le-feu pourrait être prorogé, si un climat de confiance parvenait à s’établir. Certains pensent qu’il y a des chances, malgré tout, pour que la trêve puisse se poursuivre jusqu’au prochain «Kurban Bayramı» (fête du sacrifice), c’est-à-dire jusqu’à la mi-novembre. Aysel Tuğluk a, pour sa part, rappelé qu’à l’origine, le cessez-le-feu a été établi avant le référendum, à la demande du gouvernement, mais que, depuis, ce dernier n’a pris aucune mesure concrète susceptible de relancer le processus de règlement politique de la question kurde. Elle pense que les autorités turques tablent sur le fait qu’avec l’arrivée de l’hiver le PKK ne lancera plus d’opérations militaires nouvelles ; ce qui est, selon elle, une erreur.

En tout état de cause, le gouvernement tente de renforcer actuellement sa politique de rapprochement avec la région kurde d’Irak du nord. Depuis la venue en Turquie de Massoud Barzani, en juin dernier, des contacts réguliers ont lieu, et Beşir Atalay, le ministre turc de l’Intérieur a effectué une visite remarquée à Erbil, à la fin du mois de septembre dernier. Au cours des derniers mois, les responsables politiques kurdes d’Irak du nord ont souvent recommandé aux autorités turques de s’engager dans un processus de résolution politique de la question kurde, tout en ne manquant pas saluer l’action positive, selon eux, du gouvernement de Recep Tayyip Erdoğan. Il faut dire que les Kurdes d’Irak du nord ont besoin de la Turquie pour se développer économiquement, de façon à assurer leur position politique dans un pays qui reste divisé et dont l’avenir est très incertain.

La stratégie du gouvernement de l’AKP à propos de la question kurde est plus que jamais difficile à décrypter. Contrairement à ce que certains avaient espéré, après le référendum du 12 septembre, l’ouverture démocratique n’a pas repris, et le gouvernement ne semble pas enclin à se lancer dans des réformes majeures avant les élections législatives qui doivent se tenir en juin 2011. Il a notamment reporté la relance du projet de «Constitution civile» au lendemain de ces élections. Or, il est probable qu’un tel projet devrait concerner la question kurde au premier chef…

L’un des apports des derniers mois est néanmoins la routinisation de contacts indirects non-officiels mais réels entre le gouvernement et le PKK. On se souvient que la révélation de tels contacts avaient provoqué des polémiques extrêmement vives avant le dernier référendum. Les récentes visites, dont Abdullah Öcalan a été l’objet dans sa prison, montrent que ce genre de démarche est presqu’entrée dans les mœurs. Le processus reste pourtant fragile et un peu trop dominé de part et d’autre, semble-t-il, par des préoccupations tactiques.

L’autre apport de la période actuelle pourrait être la confirmation de l’intérêt grandissant que manifeste à nouveau l’opposition laïque pour la question kurde. La TÜSIAD, qui s’était déjà manifestée sur le sujet récemment pour reprocher au gouvernement l’inefficacité de son action, semble vouloir se poser désormais en nouvel acteur du dossier. Sa présidente, Ümit Boyner, qui a rencontré en début de semaine le leader du parti kurde, BDP, Selahattin Demirtaş, a promis des initiatives concrètes sur le terrain, dans les prochains mois, pour soutenir le développement des provinces du sud-est ; là encore une proposition qui n’est probablement pas dénuée de toute préoccupation tactique.
JM


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